Moniales Dominicaines de Dax
Contemplata aliis tradere

Homélie du 10 mars 2024, 4ème dimanche du Carême

par le frère Benoît Vandeputte, op

Autre temps, autre civilisation, même mœurs.

Le peuple qu’Israël, aujourd’hui, craint par-dessus tout le peuple dont la domination l’a, un jour, restauré et sauvé.

Cyrus, le Perse, le roi des rois, libère les hébreux déportés à Babylone. Cyrus est appelé Messie. Il va tellement marquer le subconscient messianique juif, qu’un Harry Trumann, président américain n’hésitera pas à se considérer lui-même comme un nouveau Cyrus. Il appuie alors de tout son poids la création de l’État d’Israël. Et les juifs de la création de l’État d’Israël le reconnaitront – entre sincérité et flagornerie – , le respecteront comme tel !

« Je suis le nouveau Cyrus »

« Vous êtes le nouveau Cyrus ».

On appellera cela le sionisme chrétien… Il existe toujours aujourd’hui.

En attendant, c’est à Babylone, pendant leur exil au VIème siècel avant J.C., que le peuple de Judée, ces hébreux, vont développer la conscience d’être juifs et surtout vont commencer à donner au judaïsme l’armature que nous leur connaitrons à partir de là, notamment dans sa dimension synagogale. Elle perdurera jusqu’à nos jours après la destruction du temple et la grande diaspora qui s’ensuivra.

Les perses, mille ans plus tard, détruiront la Jérusalem chrétienne de fond en comble non sans l’aide de juifs plus ou moins nombreux de la ville. Nous serons alors au VIIème siècle de notre ère.

La question que cela pose, alors comme aujourd’hui, est simple :

Vers qui lever les yeux pour attendre le salut ?

Et de quel salut s’agit-il ?

Lever les yeux vers Dieu, vers le ciel, vers le soleil ou la lune, vers plus haut que soi, demeure le grand ressort religieux de l’humanité.

On cherche rarement le salut dans les ténèbres, au sous-sol. Au contraire, depuis Orphée, l’on cherche à s’en échapper.

Orphée ! Pour les premiers chrétiens, ce héros sera une des figures du Sauveur, un prototype christique.

Il sera reproduit comme tel dans les pavements mosaïques des églises byzantines. Une des plus belle fut découverte tout près de l’École biblique de Jérusalem et trône aujourd’hui au Musée historique d’Istamboul.

Comme Orphée, Jésus est remonté des enfers.

Comme Orphée avait charmé Cerbère avec sa harpe, Jésus a charmé la mort.  Et c’est par son chant qu’il accomplit ce prodige !

Dire que Dieu chante dans nos cœurs n’est donc pas d’abord le rappel de la mélodie du bonheur mais le cri de joie de la victoire sur la mort.

Mors et vita duello conflixere mirando !

La vie te la mort se sont livrés un combat prodigieux !

Les guerres des hommes exigent des vainqueurs.

La guerre de Dieu, unique, ne connut qu’un vaincu ! Épouvanté aussi bien que charmé par le timbre d’une voix unique.

Les anciens pourtant l’avaient entendu venir :

« Voix du Seigneur dans sa force, voix du Seigneur qui éblouit. Elle casse les cèdres du Liban et fait bondir comme un poulain le Liban, elle taille des lames de feu.

Le Seigneur bénit son peuple en lui donnant sa paix »

Avons-nous le droit de nous réjouir quand la paix fait défaut et quand les peuples durcissent leurs coeurs ?

Moïse, curieusement, pratique un rite quasi païen pour guérir les siens. Bien à rebours de l’idée que nous nous faisons d’un peuple pur et exclusif. Simplement, il enjoint de ne pas se tromper de Dieu. Le salut d’un roi n’est pas dans son armée, illusion que des chevaux pour la victoire… Mets ta foi dans le Seigneur.

Célébrer le dimanche de la joie, dimanche Laetare du nom de l’introït traditionnel de la messe, pure citation du livre d’Isaïe… C’est un peu, pour nous, à mi-carême échu, la Madeleine de Proust de la liturgie pascale.

Ces fleurs évocatrices, l’orgue qui repointe le bout de ses tuyaux, les couleurs qui chatoient…

Toutes choses qui nous disent :

« Souvenez-vous, rappelle-toi » !

Livrons-nous à cet exercice cette semaine frères et sœurs : tâchons de nous rappeler chaque fois que nous avons eu cette certitude que notre ange gardien, que l’Esprit-Saint, que le Seigneur avait été avec nous. Qu’il avait agi pour nous ; qu’il nous avait sauvé…

Parfois, nous pouvons penser que nous sommes exilés ou perdus mais nous ne sommes pas abandonnés…

Isaïe nous l’a prophétisé :

Laetare Jerusalem, et conventum facite omnes qui diligitis eam

« Réjouissez-vous avec Jérusalem ! Exultez en elle, vous tous qui l’aimez ! Avec elle, soyez pleins d’allégresse, vous tous qui la pleuriez ! Alors, vous serez nourris de son lait, rassasiés de ses consolations ; alors, vous goûterez avec délices à l’abondance de sa gloire » (Isaïe 66, 10-11).

Amen

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