Moniales Dominicaines de Dax
Contemplata aliis tradere

Homélie du 10 mai 2024

fr Philippe Jaillot op

Que des paroles !

Ac 18, 9-18 -Jn 16, 20-23

La prise de parole est au centre du récit des Actes des apôtres.
Des paroles ! Rien que des paroles ! Voici comment l’homme politique Gallion voit la
religion. Des paroles, des noms, et des règles, sur lesquelles on débat et on se
dispute. L’épisode entendu dans le livre des Actes des Apôtres présente la rencontre
entre Gallion et saint Paul. Gallion était le frère du philosophe et homme d’État
romain Sénèque. Vers l’an 51 ou 52, il fut proconsul de la Province d’Achaïe, dont la
Capitale était Corinthe.

Gallion a une idée de la religion qui nous laisse sans doute pantois.
Si pour nous la religion est importante, si pour nous la foi est déterminante dans
notre vie, alors on peut être agacé d’entendre que les histoires de religion, ce sont
des paroles, des paroles, et des noms et des règles ! Gallion ne veut pas polluer le
fonctionnement de l’État et sa vie juridique avec des histoires de religion. Des
paroles et des mots et des règles qui ne conduisent qu’à transformer des débats en
querelle. Gallion a réagi à ce que les Juifs présentaient contre Paul avec un principe
de laïcité implacable. Laïcité en ce sens que l’on ne mélange pas les affaires
publiques de l’Etat et les lois et idées religieuses. Il joua les indifférents en refusant
d’entrer dans les arguties religieuses des Juifs.
Ce jour-là, Paul n’eut pas à parler lui-même. Du repos lui fut donné ! Dieu, dans sa
providence, lui a associé Gallion et son principe de laïcité.

Paul, à ce moment-là, devait être dans une période d’usure et de remise en
question pour que le Seigneur lui soit apparu dans une vision. Et c’était dans la nuit.
La nuit est plus calme que le jour, pour une vision. Mais la mention accentue l’idée
que Paul n’y voyait plus très clair dans ce qu’il devait faire. Jusqu’où pourrait-il
annoncer la foi au Christ ? Le Seigneur lui dit : « Ne crains pas ».
Et il lui ajoute : parle, ne garde pas le silence.
Autant Gallion ne veut pas polluer les questions que l’Etat doit traiter avec des
débats religieux qu’il juge déplacés, autant Paul, lui, doit parler de la foi. Et
l’indifférence de Gallion va lui permettre de le faire. Paul est renforcé par Dieu pour
deux raisons.
D’une part, Dieu lui dit : « Je suis avec toi ».
D’autre part : « J’ai ici un peuple nombreux ».
Deux raisons pour oser parler. Dieu est avec nous, et il le sera infailliblement par
son, Esprit Saint. Et il y a du monde qui a besoin d’entendre parler de Dieu, et de son
Fils Jésus, le Christ.
Ceci n’a pas changé pour nous aujourd’hui. Quelle conviction avons-nous de la
présence de Dieu à notre vie, de son soutien pour que nous parlions ? Quelle
conscience avons-nous que Dieu a un peuple ici-bas ? Une autre façon de le dire :
les paroissiens ne sont pas simplement ceux qui entrent dans l’Eglise chaque
dimanche, voire chaque jour. Ceux qui ne viennent pas ne sont pas
irrémédiablement loin de Dieu. Car lorsque Dieu parla à Paul, dans une vision, à qui
faisait-il allusion en disant qu’il a un peuple nombreux dans cette ville ? Il y avait des
Juifs remontés contre le Christ, incrédules ; des Juifs indifférents ; des païens qui
n’étaient pas encore convertis. Il fallait que Paul parle, et que d’autres s’y mettent
aussi.

Gallion ? Paul ? Et que dire des Juifs qui vinrent trouver le proconsul pour qu’il
règle leurs questions religieuses ? Leurs paroles sont perfides, au sens strict de
véhiculant une mauvaise foi. Une peur dans leur foi. Ils semblaient très sûrs d’euxmêmes.
En réalité ils ne l’étaient pas. Bien sûr, c’était une force pour eux, que leur
religion ait toute liberté dans l’Empire romain. Mais cette force présentait une faille :
ils ne voulaient pas de concurrence. Gallion allait bien empêcher que Paul répande
cette nouvelle religion qui parlait du Christ. Eh, oui ! des histoires de noms, comme
disait Gallion !
Ce dernier ne trancha pas, et, en tout cas, n’empêcha pas que Paul parlât. Mais lui
ne parlerait pas pour régler les histoires religieuses. Que chacun s’assume. Tel est le
principe posé par Gallion.
Il a fait son devoir politique. Il y a chez lui un vrai professionnalisme.
Par lui, Paul comme les Juifs devront entendre que la conviction religieuse n’est pas
un délit. Il y a liberté de religion.
Et la politique n’interfère pas dans les consciences.
Sans doute Gallion aura-t-il été moins réglo en laissant des gens s’en prendre au
chef de la synagoque avec une violence qui laisse un sentiment de malaise.

Il y a une grande constance dans ce que Dieu attend de nous.
Ce qu’il dit à Paul, ici, pour le soutenir dans sa mission, était déjà présent lorsque,
sur le Sinaï, Dieu confia à Moïse sa mission de libérer le peuple hébreu de
l’esclavage.
« Je serai avec toi », (Ex 3, 12), et encore : « Tu parleras » (Ex 3, 15). Et Dieu
donnera à Moïse les moyens pour qu’il parle, malgré sa peur viscérale d’être porteparole
de Dieu.

De Moïse à saint Paul jusqu’à nous, il y a la même attente de Dieu, la même
grâce qu’il donne, le même accompagnement de sa Providence.
Ce passage des Actes des Apôtres nous renforce dans la mission que Dieu attend
de chacun de nous.
Tenir dans la foi semble héroïque. La mission fait peur. Être chrétien en ce monde
parait difficile. Mais Dieu attend notre mobilisation. Dieu nous aide et nous le dit. Et
Jésus, dans l’Evangile est venu nous alerter : ce monde vous causera du souci et
l’hostilité que vous y verrez donnera le sentiment qu’il est douloureux d’accoucher du
bonheur éternel. Pourtant, persistez, croyez, lancez-vous à l’appel de Dieu, car votre
coeur se réjouira, et votre joie, personne ne pourra vous l’ôter.

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