Moniales Dominicaines de Dax
Contemplata aliis tradere

Homélie du 28 mars 2024, Jeudi Saint

par le frère Benoit Vandeputte

La question sur laquelle nous pouvons nous attarder ce soir est la suivante :

Jésus a-t-il vraiment fondé l’Église ?

Et ce pour plusieurs raisons :

·         Parce qu’elle est en perte de vitesse sous nos latitudes

·         Parce qu’elle n’a jamais été autant persécutée

·         Parce que ses héros ont failli ou sont fatigués

·         Parce qu’elle ne donne apparemment plus le la de la culture et de la civilisation

·         Parce que l’on ne comprend pas toujours bien ce Pape déroutant

Alors quoi ! S’il avait fondé l’Église, tout ça, ça n’arriverait pas !

Et puis d’ailleurs, ne s’est-on pas trompé ? Ne nous a-t-on pas berné ? La remarque est célèbre, que fit ce bibliste du XIXème siècle :

« Jésus annonçait le Royaume, et c’est l’Église qui est venue.

Elle est venue en élargissant la forme de l’Évangile, qui était impossible à garder telle quelle, dès que le ministère de Jésus eut été clos par la Passion ».

(Alfred Loisy dans L’Évangile et l’Église)

Et puis, c’est bien connu : L’Évangile c’est Jésus, l’Église, c’est saint Paul !

Si nous en restions là, nous serions bien injustes frères et sœurs.

D’abord parce que l’on peut bien reconnaître que saint Paul était évangélique. Pour ma part, et du point de vue littéraire, je donnerai bien les Béatitudes et le Sermon sur la montagne pour la première épitre au Corinthien et son hymne à la charité et que l’on devrait plutôt nommer hymne à la confiance, à l’espoir et à l’amour.

« Quand j’étais petit enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant. Maintenant que je suis un homme, j’ai dépassé ce qui était propre à l’enfant.

Nous voyons actuellement de manière confuse, comme dans un miroir ; ce jour-là, nous verrons face à face. Actuellement, ma connaissance est partielle ; ce jour-là, je connaîtrai parfaitement, comme j’ai été connu ».

Quelle sagesse et quelle poésie. On lit ça les jours de mariage. Quel dommage de l’oublier les jours d’enterrement !

Ensuite parce que si le Pape nous déroute, saint Pierre nous rassérène.

Enfin parce qu’Alfred Loisy tout en se trompant -il a été condamné-,  est arrivé trop tôt. Un rien trop tôt.

Et qu’il est un amour de l’Église qui vous demande parfois de manger votre chapeau. Comme une patrie, comme une nation, comme une famille.

Alors ce soir, avec notre célébration, grâce à elle, grâce à ce que nous y faisons, y disons, y chantons, y manifestons, n’ayons pas peur de le reconnaître :

Oui, Jésus n’a pas créé l’Église : il n’a pas créé ni le Vatican ni le diocèse de Dax ; il n’a créé ni l’École biblique ni l’Ordre dominicain.

Mais oui, le Christ a créé l’Église.

Il a même fait mieux, il l‘a fondée.

Il la institué dans sa chair de mort et de Résurrection car sa chair était mortelle mais elle était immense comme Dieu est immense pour saint Augustin dans ses Confessions..

Avant d’accomplir son passage, jésus l’annonce et en laisse le mémorial qui est… l’Église. Car celle-ci n’est fondée que pour la mémoire et l’action de la Pâque dans l’histoire des hommes. Que pour cela.

Qui n’est rien d’autre que le mystère de l’Eucharistie des Chrétiens. Elle n’est dès lors, rien d’autre qu’un mystère de communion profonde : à la souffrance, à la mort à la Résurrection. Il fonde en indiquant aux ministres du culte nouveau la méthode à suivre : se mettre à genou, un tablier autour de reins.Banquet nuptial où le maître est serviteur.

Ce soir, Jésus a fondé l’Église à Gaza.

« La solitude de Jésus a Getshémani est désormais partagée par nous tous, vient d’écrire Pier-Baptista Pizzaballa, le patriarche de Jérusalem ».

 « Nous nous sommes sentis écrasés par tant de haine… Nous ne sommes pas seuls, nous ne sommes pas abandonnés et surtout nous n’avons pas peur ! j’ai vu quelque chose de très beau aujourd’hui : votre unité chrétienne…

…Les 1 100 chrétiens de Gaza n’ont nulle part où aller et continuent de montrer au monde un incroyable témoignage de foi ».

La voilà l’Église que le Christ a fondé : cette communion-là, à cette profondeur-là, même si elle meurt vivra éternellement.

Comment dès lors, ne pas parler de joie transfigurée ?

Nous avons célébré le saint tintamarre du Gloria au début de notre célébration. Il y a quelque chose de l’ivresse dans ce rite. Non pas pour oublier mais pour accepter le silence qui vient, et l’attente de l’Alléluia de la sainte nuit de Pâques.

« Je bâtirai mon Église, dit Jésus à Pierre, et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle ».

Amen

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