Moniales Dominicaines de Dax
Contemplata aliis tradere

Homélie du 7 avril 2023, Vendredi Saint

Jn 18,1 – 19,42

L’heure est venue. Le drame, annoncé à plusieurs reprises, est désormais sur le point de se dénouer. Et tous les acteurs sont réunis. Chacun montera sur scène. Chacun jouera le rôle qu’il a librement choisi. Il y’a le Christ évidemment. Suivi, de près ou de loin, par ses disciples. Il y’a Judas le traitre. Les grands prêtres : Caïphe et Anne. Pilate et ses cohortes de soldats. Il y’a la foule anonyme, et ceux dont on connait le nom : Malchus, Barabbas, Simon de Cyrène… Il y’a Marie et Marie de Magdala. Même les discrets Joseph d’Arimathie et Nicodème sont venus. Ils sont tous là ! Tous ? Vraiment ?

Il y’en a un, pourtant, qui semble manquer à l’appel. Et pas des moindres ! Un acteur principal. Un acteur principal au regard duquel, les autres ne jouent que des seconds rôles. C’est Satan ! Mais ne vous y trompez pas. Il est bien là ! Mais en coulisses… d’où il tire toutes le ficelles.

Derrière la trahison de Judas, il y’a Satan. « Le diable avait mis au cœur de Judas Iscariote, fils de Simon, le dessein de le livrer »[1].

Derrière Pierre et son épée. Derrière Pierre, qui comme toujours, croit savoir mieux que le Christ ce qu’il faut faire, il y a encore Satan ! « Arrière Satan ! Tu me fais obstacle, car tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes »[2].

Derrière les Grands Prêtres qui « cherchaient un faux témoignage contre Jésus, en vue de le faire mourir »[3], c’est encore le Père du mensonge[4] qui est à l’œuvre.

Et derrière Ponce Pilate, l’homme fort de Judée, devenu soudainement, comme par magie, un couard…Comment ne pas voir la patte du Prince de ce monde [5] ?

Oui ne nous y trompons pas. Le vrai combat qui est en train de se jouer, c’est bien celui du diable contre Jésus, du prince des ténèbres contre la Lumière du monde.

Arrêtons-nous un instant sur nos deux protagonistes. D’un côté Satan, de l’autre le Christ. Ce qui frappe à la lecture de saint Jean c’est le contraste entre l’un et l’autre.

Du côté de Satan, de Satan et de ses sbires, c’est le trouble et la confusion. Au jardin des Oliviers, on ne reconnait pas Jésus. A son nom, on recule et on tombe à terre, mais ensuite on lui tombe dessus et on le ligote. Chez les grands prêtres, on frappe et on ne sait pas bien pourquoi. Au prétoire, on ne sait rien, on ne comprend rien. Qui est-il ? Quelle accusation porte-t-on contre lui ? D’où vient-il ? Est-il roi ?… On en vient même à se demander ce qu’est la vérité. Bref la confusion est totale. Satan embrouille les esprits, jette le trouble… Il avait réussi avec Eve au jardin, il réussit encore aujourd’hui…

Du côté de Satan et de ses sbires, c’est aussi l’agitation et la violence. On frappe et on pose les question après. On fouette et dans foulée on déclare ne voir « en cet homme aucun motif de condamnation »[6]. On crie, on vocifère : « A mort ! A mort ! Crucifie le ! »[7]

Du côté Satan de ses sbires, on ricane et on humilie, on a soif de larmes et de sang. On ment et on se débine.

Du côté de Satan et de ses sbires, il fait froid[8]!

Il ne saurait y avoir de contraste plus grand qu’entre le prince des ténèbres et la Lumière du monde. C’est littéralement la nuit et le jour. Face à un ennemi qui avance masqué, le Christ lui ne se cache pas. Lui a parlé au grand jour[9], mais c’est en pleine nuit qu’on l’interroge. Face à toute cette agitation, cette violence, face au trouble et à la confusion qui règne, le Christ demeure étonnamment calme. Chez saint Jean, pas de cris, pas de pleurs, pas d’agonie… Seulement un Christ qui se tait.  « Maltraité, humilié, il n’ouvre pas la bouche : comme un agneau conduit à l’abattoir, comme une brebis muette devant les tondeurs, il n’ouvre pas la bouche. »[10] prophétisait Isaïe. Un Christ qui traverse sa Passion, pourtant bien réelle, « comme s’il se promenait dans le jardin à la brise du jour »[11].

      L’heure est venue ! Au désert, Satan s’était vu infligé un défaite cuisante. Et S. Luc précise : « Ayant épuisé toute tentation, le diable s’éloigna de lui jusqu’au moment favorable »[12]. Eh bien nous y sommes ! L’ultime combat est sur le point de s’engager. Et cette fois-ci Satan semble sérieusement tenir sa revanche. De fait, on nous précise que « l’obscurité se fit sur toute la terre »[13]. Et Jésus va bel et bien, être mis à mort…

Est-ce réellement la victoire de Satan ? Les apparences sont trompeuses ! Si Jésus, est élevé en croix, Satan, lui, est jeté à terre. La Lumière triomphe sur les ténèbres. « Le Verbe était la lumière véritable, […] et la lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas saisie. » [14]. Oui la lumière s’est avancée. Et que fait elle ?

 Elle confond le mensonge, les illusions et les faux semblants. D’abord la vantardise de Pierre. « Seigneur je donnerai ma vie pour toi »[15]… Et le coq chanta. Ensuite le blasphème des Grands Prêtres, fidèles gardiens de l’Alliance… « Nous n’avons de roi que César ! »[16]. Et enfin le pouvoir de Pilate. « Ne sais-tu pas que j’ai pouvoir de te relâcher et que j’ai pouvoir de te crucifier ? … Dès lors Pilate cherchait à le relâcher… » et pourtant « il le leur livra pour être crucifié. »[17].

La Lumière s’est avancée. Elle confond le mensonge… et fait la vérité. La vérité sur l’homme. « Voici l’homme ! »[18]. Oui, en sa propre chair, le Christ révèle à nos yeux aveugles, l’image de l’homme défiguré par le péché. Lui « le plus beau des enfants des hommes »[19], n’a désormais« même plus figure humaine »[20]. Vérité sublime et cruelle tout à la foi(s) ! Dieu a fait l’homme a son image. Et voilà que l’homme a fait Dieu à son image !

 La Lumière s’est avancée. Elle fait la vérité. La vérité sur l’homme… la vérité sur Dieu. Une vérité inscrite, dès l’origine, dans le cœur de Dieu, et aujourd’hui crié en plein jour : « J’ai soif » ! J’ai soif de vous communiquer ma Vie divine. J’ai soif de communiquer mon Amour.

Non, sur la croix, ce qu’il nous est donné de contempler, ce n’est plus d’abord le mystère de la mort et du péché, mais bel et bien celui de la Vie et de l’Amour. Car la Croix, c’est le triomphe non du diable, mais du Christ. Victoire éclatante et définitive de la Lumière sur les ténèbres.

O croix victorieuse du Christ, soit notre unique espérance !


[1] Jn13,2

[2] Mt16,23

[3] Mt26,60

[4] Jn8,44

[5] Jn14,30

[6] Jn19,4

[7] Jn19,15

[8] Jn18,18

[9] Jn18,20

[10] Is53,7

[11] Gn3,8

[12] Lc4,13

[13] Jn23,44

[14] Jn1,9.4

[15] Jn13,37

[16] Jn19,15

[17] Jn19,10.12.16

[18] Jn19,5

[19] Ps45,3

[20] Is52,14

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