Moniales Dominicaines de Dax
Contemplata aliis tradere

Homélie Mercredi des Cendres 14 février 2024

par Fr Benoît Vandeputte OP

Cendres 2024 – DAX

Sœur Jeanne-Marie : 70 mercredi des cendres depuis que vous êtes moniales ! Et combien d’autres avant ? Pourtant, vous êtes encore là.

 Et ceci vaut pour chacun d’entre-nous ici ce matin. Chère sœur, c’est vous qui m’avez donné le thème de cette célébration du Mercredi des cendres.

À quoi bon ? Cela n’en finira donc jamais ? Dans « Silence », son film-chef d’œuvre sur les Jésuites et les martyrs du Japon, Martin Scorcese met en scène le dégout qui finit par submerger le héros, un jeune Père Jésuite. Il n’en peut plus d’écouter la même confession du Japonais qui s’est converti                    -vraiment ?-, au catholicisme.

Cette même idée d’ardoise magique donnait de l’urticaire à mon vieux professeur de philosophie, de même que l’idée « d’appartement chauffé » qui nous attendait là-haut.

Considérer le carême et l’idée de conversion de cette façon, a en effet, quelque chose de vain et même de désespérant. L’ « àquoibonisme » n’est, alors, plus très loin.

  • À quoi bon, revenir ici ce matin pour la énième fois ?
  • À quoi bon paver l’enfer de nos bonnes intentions ?
  • Et d’abord sont-elles si bonnes ces intentions ? Si désintéressées, si pures ?
  • Avons-nous vraiment changé d’opinion sur Untel que nous ne pouvons plus supporter depuis qu’il a pris notre place ? Sur Unetelle qui nous a blessés il y a 15 jours…ou il y a quinze ans ?
  • Avons-nous bougé, ne fût-ce que d’un iota depuis l’année dernière ?
  • Et puis de toute façon, qu’est-ce que cela va changer à la marche de ma vie, ou à la vie du monde ?

Penser ainsi : quelle tentation !

Et quelle fréquente réalité…

Nous connaissons le vocabulaire : conversion pour les latins, Metanoïa pour les Orientaux, Teshouva pour les juifs, Tawba pour les musulmans. 

Toutes ces notions ont un point commun au-delà de leurs différences, et il y en a, notamment sur le degré de liberté du sujet.

Le point commun est qu’elles partent toutes…de nous, de soi et que c’est pour cela que la tentation devient grande désespérer.

SE convertir, SE retourner pour SE tourner vers Dieu ; effectuer un retour SUR SOI pour prendre conscience de SA responsabilité dans le péché commis ; SE repentir de ne pas avoir accepté l’ultime révélation divine, péché par excellence !

Si nous poursuivons dans cette voie, il est sûr que nous allons nous décourager. Comment pourrait-il en être autrement ? « Voyez l’homme, et  vous trouverez l’hommerie », disait Blaise Pascal.

Et si nous considérions les choses, osons le dire, du point de vue de Dieu ?

Qui sait tout cela.

Le philosophe, nous aide ici à avancer. « Tout se réduit au cosmos » pensait l’homme antique ; « Tout se réduit à Dieu » pensait le médiéval ; « Tout se réduit à l’homme » pensait l’homme devenu moderne. « Tout se réduit à moi », renchérit le post-moderne.

Pour nous rendre à la vie, le philosophe rétablit les relations enfouies : en réalité, Dieu, l’homme et le monde jouent un jeu de relations qui est la vie même.

 « Le lien qui rattache Dieu au monde […] est création. La relation entre Dieu et l’Homme, dans le même esprit, est révélation. Entre l’Homme et le Monde […] le rapport est Rédemption. […]

Dieu « et » l’Homme, c’est Dieu pour l’Homme, ou l’Homme pour Dieu ». (Lévinas)

Tout se joue dans ce « pour ».

Dieu est là POUR nous.

Nous sommes là POUR Lui.

Le monde est un terrain à vivre POUR nous Lui et nous..

Celui qui m’aide à vivre ce jeu de relation c’est autrui -le frère- qui me sort de mon enfermement.

Si vous êtes encore là soeur Jeanne-Marie, en ce mercredi des cendres 2024, c’est que vous êtes là pour Dieu avec vos sœurs ; pour vos soeurs avec Dieu ; avec les deux pour ce monde qui est, et pour celui qui vient.

Et nous aussi.

Amen

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